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VERGER

Favoritisme : le temps de la relaxe ?

Dernière mise à jour : 9 nov. 2021


Si les poursuites pour favoritisme se sont multipliées ces dernières années, au gré d’un accroissement des conflits commerciaux entre candidat évincé, entreprise attributaire et autorité délégante, les condamnations subséquentes ont également participé à ce mouvement d’insécurité prospérant sur les contours fluctuants d’une infraction, dont le formalisme a contrario s’accroit.


Il est, dès lors, intéressant de s’intéresser à la décision rendue par la 10ème chambre correctionnelle du Tribunal judiciaire de Paris le 9 février 2021 statuant en matière militaire (N° parquet : 15036000878).


En l’espèce, deux sociétés concurrentes étaient devenues titulaires en novembre 2012 d’un accord-cadre au sein du Ministère des Armées à la suite d’un appel d’offres, et à ce titre, s’étaient vu attribuer plusieurs marchés subséquents entre 2013 et 2016, suivant l’application du principe de l’offre économiquement la plus avantageuse. Cependant, en mars 2014, l’une des deux sociétés déposait plainte contre sa concurrente, cotitulaire de l’accord-cadre, ainsi que contre l’autorité délégante, du chef de favoritisme considérant que la seconde aurait favorisé la première à l’occasion de l’appel d’offres relativement à l’accord-cadre en ne l’excluant pas du processus alors que le résultat de l’analyse des échantillons requis des candidats l’aurait exigée.


Reprenant ses arguments à son compte, le Ministère public renvoyait devant le Tribunal correctionnel cinq cadres du Ministère des Armées, ainsi que la société concurrente, considérant que si le règlement de consultation exigeait de l’échantillon qu’il soit « conforme » ou « non conforme » à telle spécification désignée, le rapport d’analyse du laboratoire, lequel concluait à « techniquement acceptable sans réserve », aurait dû conduire le pouvoir adjudicataire à écarter, en conséquence, le concurrent concerné.


Faisant fi du fait qu’en pareilles hypothèses, si le plaignant avait été le seul attributaire de l’accord-cadre, et par voie de conséquence, des marchés subséquents, il en eût coûté 1.500.000 euros hors taxes supplémentaires aux finances du Ministère des Armées, le Ministère public a poursuivi sa logique répressive et requis des peines d’emprisonnement de 6 mois avec sursis.


La défense s’est attachée, quant à elle, à rappeler que la conclusion du rapport d’analyse n’imposait aucunement l’exclusion du candidat concerné, dès lors le pouvoir adjudicataire dispose d’une liberté tant dans la détermination des critères techniques que dans leur notation qui fonderont ses choix, dès lors que les candidats en sont préalablement informés. Bien plus, aucune disposition législative ou réglementaire n’interdit au pouvoir adjudicateur de solliciter des avis d’experts pour analyser techniquement les offres des candidats sans devoir pour autant être lié à ces conclusions.


Dès lors, le Ministère des Armées n’était nullement tenu par les conclusions du laboratoire d’analyse.


Le tribunal reprenant cette analyse a ainsi relaxé les prévenus du chef de favoritisme au motif suivant dénué de toute ambiguïté :


« il convient de relever que le document produit par le laboratoire X ne constitue qu'un avis, libre à l'autorité destinataire de l'interpréter et d'en faire usage. »


Le Ministère public n’a pas fait appel de cette décision, au contraire de la partie civile, dont le Tribunal a pourtant relevé qu’elle avait, elle-aussi, bénéficié, en d’autres temps, du pouvoir d’interprétation de l’autorité délégante. Gageons que les vertus de son action seront débattues en cause d’appel.


Le cabinet Verger représentait, à l’occasion de cette procédure, l’un des militaires concernés.


Benoît Verger, avocat au Barreau de Paris, associé

Lena Mouyren, élève-avocate


Contact : info@verger-avocats.com



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